Le dictionnaire Robert donne la définition suivante:
“Théorie de la hiérarchie des races qui conclut à la nécessité de préserver la race dite supérieure de tout croisement, et à son droit de dominer les autres. Ensemble de réactions qui, consciemment ou non, s’accordent avec cette théorie.”
Etre racistes, c’est donc proclamer la supériorité d’une race — celle à laquelle on appartient évidemment — par rapport à une autre, c’est prôner un élitisme anti-égalitaire — l’élite étant naturellement le groupe humain auquel j’appartiens –. C’est justifier tout un train de comportements allant de la réserve, l’antipathie, le rejet, à des mesures discriminatoires, vexatoires, et même à la persécution ouverte par l’affirmation que l’autre est inférieur.
L’ethnocentrisme, n’est au fond qu’un égocentrisme collectif. Lévi-Strauss en parle de la manière suivante:
“L’attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides, puisqu’elle tend à réapparaître chez chacun de nous, quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles, morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. “Habitudes de sauvages”, “cela n’est pas de chez nous”, “on ne devrait pas permettre cela”, etc., autant de réactions grossières, qui traduisent le même frisson, cette même répulsion, en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. Ainsi, l’Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas de la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le même nom de barbare; la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de sauvage dans le même sens.”.
Solution.
Nous relevons ici quelques points pratiques proposés après le rappel des principes:
1. Se désolidariser d’images méprisantes, de propos simplistes et d’attitudes de discrimination. (…) Chercher, au contraire, à mieux comprendre les différents groupes humains, avec leur culture, leurs convictions et leurs problèmes.
2. Rencontrer fraternellement les autres hommes, sans distinction d’origine.
3. Chercher ensemble des solutions permettant de garantir une coexistence heureuse des différents groupes humains et de faire respecter les droits et la dignité de chacun. 4. Accueillir aussi les enrichissements mutuels que les relations quotidiennes, vécues dans l’estime réciproque, sont susceptibles d’apporter.
Notre Père.
La Bible, normative pour les chrétiens et les juifs, respectée par les musulmans, apporte les réponses de Dieu aux problèmes des hommes. Et ces réponses sont d’une singulière force. Concernant le racisme, la Bible est d’une clarté fulgurante et sans ambiguïté:
1. Le concept de race, dans la Bible, n’est pas lié à la désignation de groupes humains biologiquement différenciés, mais à son sens familial, c’est-à-dire d’une suite de générations et de la continuité de ses caractères (race d’Abraham, d’Aaron, d’Israël, race royale, etc.). Les qualificatifs péjoratifs appliqués parfois au terme de race (pris alors en son sens figuré): race indocile et rebelle, race de vipères, etc., ne sont jamais appliqués à une collectivité extérieure, mais toujours à la sienne propre, montrant par là une faculté certaine d’autocritique. Cette brève étude n’aurait pas beaucoup d’intérêt si l’apôtre Paul n’avait repris ce concept familial de race et, devant l’aéropage le plus prestigieux de son temps, celui d’Athènes, ne l’avait élargi à l’humanité tout entière, en la reliant à Dieu: De lui, nous sommes la race; et encore Ainsi donc, étant de la race de Dieu… Trait de génie, qui relie toute l’humanité à celui qui est à l’origine de toute vie, transfusant à tous les hommes la même noblesse et les mêmes perspectives. Ainsi, il n’y a pas plusieurs races, mais une seule, celle issue de Dieu, et, par conséquent, nous sommes tous frères et solidaires les uns des autres.
2. Cette unité de l’espèce humaine est un des thèmes majeurs de la Bible, devançant en cela de très loin les idées étroitement ethnocentriques qui avaient cours à l’époque de sa rédaction. Ce concept de l’Homme universel trouve son fondement dans trois propositions: a) Même origine et même dignité. Le premier homme — et la première femme — est une création particulière de Dieu. De lui, sont sorties toutes les générations ultérieures. Nous avons donc tous une origine commune: tous les hommes sortis d’un seul sang. Mais, puisqu’il est une création particulière de Dieu, l’homme est appelé fils de Dieu, fait à l’image de Dieu. Tous sont appelés à gérer en commun l’héritage Dieu: Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains. Le modèle de Dieu est celui de l’égalité absolue entre tous les êtres, puisque, issus d’un seul, ils ont hérité de la même noblesse et de la même vocation.
b) Mêmes soins accordés à tous. Dieu pourvoit aux besoins de tous les hommes, et cela indépendamment même de la qualité de leur relation avec lui: “Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes”. Dieu engage sa responsabilité envers des êtres qu’il a créés.
c) Même salut offert à tous: (…) “aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple”. Dieu “veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité”. La grande foule de sauvés, “que personne ne pouvait compter”, qui se tiendra un jour devant le trône de Dieu, sera composée de personnes venant de “toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue”. La cité rayonnante de Dieu, la nouvelle ville de paix, possède, selon les visions de Jean, l’apôtre, douze portes ouvertes aux quatre points cardinaux, invitant toutes les nations à y entrer. C’est ici, probablement, une des plus puissantes motivations pour le croyant appelé à vivre dans l’éternité, en compagnie de représentants de tous les groupes humains. Il sera, de ce fait, disposé à leur tendre la main, déjà ici-bas, dans cette vie qui, dans cette perspective, n’est que l’antichambre du ciel.
Tu aimeras l’étranger…
Puisque nous sommes de même souche, donc de même “race”, issus du même Père, l’objet des mêmes soins, et tous appelés au même salut, les conséquences pratiques qui en découlent sont d’une clarté aveuglante, sans équivoque et sans compromission: “Si un étranger réside avec vous dans votre pays, vous ne le molesterez pas. L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers. (…) Je suis (…) votre Dieu. Tu ne porteras pas atteinte au droit de l’étranger. Vous aurez la même loi, l’étranger comme l’indigène. Je me hâterai contre ceux (…) qui font tort à l’étranger et ne me craignent pas.”.
Dieu prend la défense de l’étranger. Et pour des raisons précises. Des étrangers habitent dans mon pays? Oui, certes, c’est une réalité. Mais l’autre réalité, c’est que beaucoup de mes compatriotes résident dans d’autres pays, donc à l’étranger. Et à quoi s’attendent-ils? A être traités avec respect et dignité, bien sûr. Or, “tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux”. En prenant la défense de l’étranger, Dieu établit le principe de l’égalité du traitement, que ce soit à l’égard de l’étranger résidant chez moi, ou de moi, résidant à l’étranger.
Ce chemin n’est pas celui de la facilité. Lorsque Jésus est venu dans ce monde, celui-ci était ravagé par les guerres, l’oppression, la haine. Face à un nationalisme exacerbé, il n’a pas hésité à souligner la foi d’un officier romain — pourtant l’envahisseur –, à guérir la fille d’une femme syro-phénicienne — une païenne méprisée –, à donner en exemple la bienfaisance d’un Samaritain — un voisin honni, hérétique par surcroît –. Il a réhabilité les étrangers, tout comme il réhabilita la femme, les petites gens, le célibataire, le malade… Il apporta une motivation supplémentaire: “J’étais étranger et vous m’avez recueilli. (…) Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites”. Ou encore, dit dans d’autres mots: “Si vous n’arrivez pas à surmonter entièrement votre répulsion de l’étranger, si vous n’arrivez pas à l’aimer vraiment, recueillez-le quand-même, par amour pour moi. Mon amour suppléera au vôtre. Ce que vous faites pour l’étranger, c’est comme si vous le faisiez pour moi, qui me suis identifié à tous les hommes, y compris, justement, l’étranger.”.
Et c’est l’amour encore, fou, incompréhensible, qui conduisit Jésus au sacrifice suprême, tant il est vrai que ce sont les extrêmes seulement qui déclenchent l’attention et secouent les torpeurs, les routines, les réticences, les répulsions — et cela en vue de conduire les hommes à se réconcilier avec Dieu, et du même coup entre eux –: “C’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine (…) pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau, faire la paix, et les réconcilier (…) tous deux en un seul Corps. (…) Il a tué la haine.”. Seul l’amour peut détruire la haine, et encore faut-il qu’il soit assez fort pour pouvoir contrer les préjugés, les oppositions et même les persécutions. Dieu seul possède cette qualité d’amour et il le met entièrement, gratuitement à notre disposition: “Aimons-nous les uns les autres; car l’amour est de Dieu et l’amour de Dieu est répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné.”.
Et dans cet éclairage, l’on comprend, brusquement, qu’en face de Dieu, la notion d’étranger se volatilise: il n’y a plus que des hommes aimés de Dieu et que je suis invité à aimer à mon tour, en puisant dans le trésor d’amour que Dieu met à ma disposition.
J. Kempf